CD, vinyle : quelle référence sonore ?


Sans doute au grand dépit des intégristes audiophiles, et pour palier à une certaine langue de bois des éditeurs discographiques, il faut avouer que la plupart des sources musicales disponibles ne sont pas d'une intégrité absolue.
Ce sont avant tout des produits commerciaux dont l'objectif est de plaire au public et améliorer les ventes.
Les habiles améliorations dont ils sont gratifiés datent déjà du début du microsillon.
Chez Pathé-Marconi, l'ingénieur qui gravait le disque "mère", à partir d'un magnétophone, disposait en plus du réglage de pas de sillon d'un "Baxandall" pour ajuster les graves et les aigus à son oreille, grâce à un ingénieux système d'une lecture directe par un bras placé à l'opposé du graveur.
Plus tard, le Baxandall fut remplacé par l'égaliseur paramétrique.
Pour certains types d'enregistrement, il était aussi fait appel à un limiteur pour compresser les pointes de modulation sans les écrêter, ou plus encore à un compresseur de dynamique.
Toutes ces manipulations ont été réalisées dans le but de s'adapter aux matériels de reproduction existants pour une écoute domestique.
Les Electrophones s'accommodaient mieux d'une légère remontée des graves et des aigus. L'avènement des chaînes en rack fit aussi évoluer l'enregistrement phonographique par une plus grande qualité de restitution.
Dans l'année 1985, le CD audio fut présenté comme un progrès considérable par les possibilités de dynamique qu'il permettait.
Ainsi libérés, les éditeurs ont voulu profiter de ces possibilités et ont gravé des CD de grandes formations musicales sans compression. Si cette qualité pouvait être appréciée sur des installations professionnelles de haut niveau et dans une salle conséquente, cela devenait très inconfortable pour une écoute domestique dans son salon. Les enceintes acoustiques ne possédant pas les qualités requises pour traduire une telle dynamique, surtout à bas niveau. Les grands haut-parleurs avec un équipage mobile lourd réclament un niveau de courant minimum pour se déplacer. Beaucoup d'enceintes ont une dynamique de restitution limitée qui impose d'ajuster avec précision le niveau d'écoute pour profiter d'une restitution équilibrée. A niveau d'écoute domestique, cela se traduisait par une perte des détails d'arrière plan.
Je ferais ici un aparté pour rectifier la notion de dynamique qui est souvent utilisée à tort par certains audiophiles à la place de réactivité. Une enceinte à la sonorité réactive et brillante n'est pas obligatoirement dynamique. Une enceinte sera dynamique si elle conserve son équilibre tonal, c'est à dire la reproduction des graves au niveau des médiums aigus, des plus bas niveaux d'écoute aux plus forts, sans distorsion.
Ainsi, le CD a du lui aussi s'adapter aux marchés mélomanes et audiophiles.
Ce fut relativement facile car le numérique permet toutes les manipulations, égalisation, compression sélective, etc. Autant il était difficile et délicat, sous peine de décalage de phase de modifier un signal analogique, autant un signal numérisé peut être "amélioré" de nombreuses manières pour se mettre à la portée des imperfections de nos systèmes de reproduction. Un des meilleurs exemples nous est donné par les enceintes bluetooth qui mesurant une quinzaine de centimètres arrivent à nous faire entendre des graves contre toutes lois de l'électroacoustique.
Côté CD ou téléchargement, ces possibilités ont aussi été mises en oeuvre. Je possède différentes éditions et rééditions re-mastérisées d'opéras. Sur mon système, à haute possibilités dynamiques, la version originale est plus réelle que la ré-édition ! Dernièrement un de nos clients me vante les qualités d'une ré-édition japonaise d'un CD, et devant mon incrédulité me ramène les deux éditions. Il avait été séduit en ce que la ré-édition permettait de mieux entendre les faibles arrières plans sonore.
Nous écoutons les deux versions et sur notre système (très dynamique) l'original se révèle brut, plus aéré et les arrières plans plus à leur place. Sur la ré-édition (plus flatteuse) il a sans doute été utilisé des algorithmes pour remonter les arrières plans et les rendre plus perceptibles.
Il ne faut pas oublier que les remarquables travaux réalisés pour le MP3 peuvent être habilement utilisés pour matricer intelligemment le format du "Red Book" Philips (44,1 KHz) et les sur-échantillonnages disponibles en téléchargement.
Une musique toujours plus belle et agréable à écouter mais dont l'intégrité est à considérer avec réserve pour juger ses éléments de reproduction.


Jean-Claude Tornior